Mon objectif principal était de me rendre dans une région très septentrionale, d’y découvrir le soleil qui ne se couche pas et, si possible, la banquise et sa faune. L’éclipse de soleil du 1er août a été l’événement décisif : le circuit en mer dont elle devait être l’un des points forts réunirait un grand nombre de personnes dont la motivation serait commune, dissipant mes craintes de participer à une croisière classique avec un programme non conforme à mes aspirations. Mes désirs ont été pleinement comblés.
Mardi 29 juillet : Depuis le départ, vers minuit, le bateau est sorti de l’Isfjorden et a pris le cap au sud. A l’heure du lever, le roulis surprend beaucoup de passagers, peu habitués à prendre le petit déjeuner dans ces conditions ! Vers midi, grâce à l’entrée dans le fjord de Hornsund, tout va rapidement rentrer dans l’ordre. Une première sortie en zodiac nous permet d’admirer les petits icebergs qui prennent naissance sur le front du glacier Hornbreen.
Mercredi 30 juillet : Après avoir contourné la pointe sud du Spitzberg cette nuit, nous remontons le Storfjorden. A l’entrée du détroit de Freeman, qui sépare les îles de Barents et Edge, nous jetons l’ancre. Une petite randonnée au pied de l’Høgrinden nous permet d’observer un assez grand nombre de rennes, un renard arctique et quelques guillemots à miroirs. A la redescente, nous voyons un très vieux squelette de baleine, sa position à une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de la mer nous étonne.
Jeudi 31 juillet : Au réveil, nous découvrons, à bâbord, Svenskøya, la première des Kong Karls Land,
les îles du Roi Charles. Nous sommes tenus de naviguer à trois miles au moins de ce petit archipel par
respect pour la réserve intégrale des ours.
Peu avant midi, un ours est annoncé droit devant. Tandis que le navire avance à vitesse réduite, c’est avec enthousiasme, faut-il le préciser, que nous envahissons la proue, malgré le vent et le grésil qui accroissent la sensation de froid. Armés de téléobjectifs pour les uns, de jumelles pour les autres, nous passons là un moment bien excitant !
Peu après la dernière île du Roi Charles, nous prenons le cap au nord ... pas pour longtemps.
Au milieu de l’après-midi, une banquise compacte d’une épaisseur atteignant parfois un mètre nous contraint à
remettre en question notre choix de route. Poursuivre à si petite vitesse nous ferait manquer
la zone de totalité. De plus, nous naviguerions sous un ciel très brumeux, ne nous laissant qu’un infime espoir de pouvoir observer l’éclipse totale.
Décision est prise de nous diriger vers la côte sud de Nordaustlandet, la terre du Nord-Est où
nous pouvons espérer un ciel dégagé – nous comptons sur l’importance de la grande calotte
qui couvre cette île pour repousser les masses d’air humides.
Sébastien, notre spécialiste d’astronomie, nous expose ce qui est essentiel pour comprendre et observer dans de bonnes conditions une éclipse de soleil. La salle de conférence est à peu près au niveau de la glace, le bruit des chocs et les secousses sont mémorables !
Vendredi 1er août : Vers 1 heure du matin, nous entrons comme prévu dans une zone dégagée. La vue sur les glaces flottant sur la mer de Barents est magnifique. Vers 2 heures, un ours fait son apparition à bâbord avant. Le bateau s’arrête, l’animal semble intéressé. En regardant vers nous à maintes reprises, il va finalement faire le tour du navire, tantôt marchant sur la glace, tantôt nageant, sans s’approcher davantage. Encore quelques belles photos !
A l’heure du petit-déjeuner, l’ancre est jetée, et c’est par un temps splendide que nous allons tranquillement pouvoir nous préparer pour observer une éclipse à 97 %. Quelques personnes sont déçues de manquer l’éclipse totale. Le verre de mousseux servi à la fin du phénomène les aide à retrouver la bonne humeur. La croisière va reprendre son cours.
Au milieu de l’après-midi, nous débarquons à Torellneset, à l’entrée du détroit d’Hinlopen, où nous allons nous approcher d’un groupe d’une trentaine de morses se reposant sur la plage. Quelques individus sont dans l’eau, probablement à la recherche de coquillages dans les hauts-fonds.
Le temps reste au beau : le dîner est agrémenté par le vol incessant de groupes de guillemots de Brünnich qui se rendent vers leur lieu de pêche. Au retour, ils portent un poisson dans le bec.
Samedi 2 août : Nous sommes ancrés dans l’Hinlopenstretet, les zodiacs nous mènent vers Alkefjellet, au pied d’une falaise, la "montagne aux pinguoins". Plusieurs dizaines de milliers de couples de guillemots de Brünnich, nichent sur les moindres replats de la falaise calcaire. Les pères nagent, appelant frénétiquement leur jeune à se lancer pour le premier vol. L’instant est dangereux : les goélands sont à l’affût et se saisissent sans état d’âme des petits qui n’auront pas réussi à gagner rapidement le large !
Au milieu de l’après-midi, nous débarquons dans le Lomfjorden pour une randonnée vers le sommet du Faksefjellet. Pendant la montée, quelques rennes se montrent ainsi que quelques oies à bec court, très craintives.
Dimanche 3 août : A la sortie du Lomfjorden, nous avons dérivé vers la sortie du détroit d’Hinlopen. Peu après le petit-déjeuner, nous débarquons à Murchisonfjorden, à l’ouest de Nordaustlandet. Dans un paysage très minéral, nous effectuons une petite randonnée. Au retour, nous rencontrons un groupe de cinq cabanes, utilisées par des scientifiques, ainsi qu’une station météo entièrement automatique.
Après le déjeuner, nous croisons un phoque barbu sur la banquise. Un peu plus tard, c’est un iceberg. Le temps très calme nous permet de nous en approcher, jusqu’à le frôler. Dans l’après-midi, Sébastien me fera la surprise de me verser un verre de Bourbon rafraîchi avec la glace de l’iceberg !
Peu après, les zodiacs sont mis à l’eau et nous entamons une balade dans la glace de mer qui nous permet d’apprécier la vue de notre bateau brisant la banquise.
Lundi 4 août : Depuis quelques heures, nous nous sommes éloignés de la banquise. Nous mouillons dans Woodfjorden, à l’entrée de Liefdefjorden. Le ciel bas donne à l’eau du fjord et aux petits icebergs des couleurs différentes.
L’après-midi, nous faisons une randonnée au départ de Texas Bar, la cabane où dormait Jérôme Bouvier lors du tournage de son film qui alerte sur la disparition prochaine du seigneur de l’arctique. Nous montons jusqu’au pied du glacier, traversant une imposante moraine de fond.
Peu avant minuit, tandis que nous naviguons vers la sortie de Woodfjorden, pendant une demi-heure, nous pouvons voir une baleine à bosses souffler et plonger non loin du bateau qui ne semble nullement l’effrayer.
Mardi 5 août : Nous entrons dans Raudfjorden. Une sortie en zodiac nous amène à proximité d’un front glaciaire aux blocs menaçants. Notre chef d’expédition rappelle à l’ordre les téméraires qui s’approchent un peu trop du monstre. Il nous échoue quand même sur un floe, lui-même échoué, nous permettant ainsi de marcher sans danger sur la glace de banquise, et de pouvoir apprécier l’épaisseur possible de cette dernière.
En fin d’après-midi, descente à terre pour une observation très rapprochée des mergules nains.
Mercredi 6 août : Par un fort vent d’ouest, nous nous dirigeons vers le quai de la station scientifique de Ny-Ålesund. Lors de la courte randonnée qui suit, de jeunes renards arctiques jouent à quelques dizaines de mètres de nous. Un groupe d’eiders nagent dans le fjord, puis un groupe de bernaches. Un chenil a été aménagé récemment, les chiens constituent d’ailleurs une excellente alarme en signalant la présence éventuelle d’un ours dans la station.
Après le déjeuner, nous débarquons sur l’île de Blomstrand. Au cours de la randonnée, nous observons des rennes de près ainsi qu’un labbe à longue queue.
A la sortie du fjord, après le dîner, un tangage important oblige les personnes sensibles au mal de mer à rejoindre leur cabine sans attendre la fin de la discussion, à l’issue de l’ultime conférence de Sébastien, consacrée à l’évolution des étoiles et aux galaxies.
Jeudi 7 août : Très tôt, nous doublons Salpynten, la pointe sud de Prins Karls Forland. Nous entrons dans l’Isfjorden, puis le fjord de Trygghamna. Près de l’eau, des sternes pêcheurs font des va-et-vients incessants. Au cours d’une petite randonnée, nous admirons un bécasseau violet.
En fin d’après-midi, randonnée à Templefjord, au pied d’une imposante falaise de 600 mètres, laissant apparaître des couches très décoratives de craie ou de gypse. De gros blocs, provenant de la falaise, montrent parfois de nombreux fossiles (brachiopodes). Une famille de rennes nous surprend agréablement au moment ou nous parvenons au terme de de cette ultime marche.
Pendant le dîner, le bateau file vers Longyearbyen.
Vendredi 8 août : Le quai où va accoster notre bateau n’est pas libre en temps voulu. Nous reprendrons le zodiac pour nous rendre à terre. Désormais, nous sommes habitués !
Vers 3 h 30, nous décollons à destination d’Oslo, où nous devrons attendre le vol de 16 h 40 pour Paris.
Fin du récit d’un très beau voyage, 17 août 2008.
François